QUEYRAS ARVIEUX

QUEYRAS ARVIEUX

ALORS LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE,VRAI OU FAUX ?

Article très poussé et documenté rédigé par un voisin de Vallouise 

 

 

Chaque année, c’est la même appréhension pour les professionnels de la neige. Neigera ? Neigera pas ? Certaines stations ont déjà dû fermer boutique et le phénomène risque d’empirer. D’ici trente ans, combien des 300 stations de ski françaises auront survécu aux températures en hausse ?

 

Chambon des Neiges était une petite station de ski nichée sur un volcan éteint du Massif Central. Le manque de neige au cours des années passées et les difficultés financières qui ont suivi ont finalement eu raison de Chambon (des Neiges). La station du Puy-de-Dôme a finalement fermé en 2002.

 

Depuis, Chambon avait un côté « ville fantôme », une grande partie des installations n’ayant pas été entretenue. Les derniers vestiges des remontées mécaniques ont finalement disparu du paysage en 2008. Une anomalie ? Non, depuis une dizaine d’années, plusieurs stations tricolores ont raccroché les skis dans le Massif Central mais aussi dans les Pyrénées et dans les Alpes.

80 stations menacées de disparition

 

Alors que le réchauffement climatique s’accélère irrémédiablement ces dernières années, combien de stations françaises connaîtront le même sort que Chambon des Neiges ? D’ici à la fin du siècle, seuls 61 % des domaines skiables des Alpes, contre 90 % aujourd’hui, devraient bénéficier d’un enneigement naturel suffisant pour poursuivre leur activité, selon les experts de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Soit le chiffre effrayant de 80 stations de ski de moyennes montagnes (situées entre 1 000 et 2 000 m d’altitude) menacées de fermeture d’ici trente ans.

 

Pour vérifier cette baisse d’enneigement, Pierre Spandre, auteur d’une thèse sur les interactions entre les conditions d’enneigement et l’activité des stations de sports d’hiver, s’est penché sur le taux d’enneigement d’une station de moyenne montagne dans les Alpes ces cinquante dernières années. Il s’est aperçu que la durée de la saison avec de la neige a diminué de 6 jours par décennie entre 1960 et 2011 sur le site expérimental du Col de Porte en Savoie, à 1 325 m d’altitude tandis que la hauteur moyenne de neige entre le 1er décembre et le 30 avril a diminué de 13 cm par décennie. Soit plus de 65 cm en cinquante ans…

 

Une baisse de l’enneigement irrémédiable

Daniel Morin a supervisé la thèse de Pierre Spandre et est également le directeur du centre d’étude de la neige pour Météo France et le CNRS. Il s’appuie sur ces recherches pour résumer la situation actuelle. « Quand on prend du recul sur plusieurs dizaines d’années, au moins 30 ou 40 ans de préférence, comme pour le Col de Porte, là on observe une baisse radicale de l’enneigement en moyenne montagne partout en France. »

Le chercheur veut nuancer les conclusions hâtives réalisées par bon nombre de scientifiques annonçant la fin du ski en France. Pour lui l’enneigement d’une année à l’autre est extrêmement variable.

 

« Les années se suivent et ne se ressemblent pas. C’est ce que l’on appelle la variabilité naturelle du climat. Par exemple depuis trois ans il ne neige pas beaucoup dans les Alpes, l’erreur serait d’en faire une conclusion rapide dans les années à venir et dire que ce sera pareil les prochaines années », prévient le spécialiste de la neige.

 

Mais Daniel Morin est pragmatique lorsqu’on lui demande d’imaginer le futur, il ne peut s’empêcher de cacher son scepticisme. « L’enneigement va rester variable d’une année à l’autre mais dans tous les cas, en 2050, quels que soit les choix politiques en termes d’émission de gaz à effet de serre, l’enneigement continuera à se raréfier, en particulier en moyenne montagne. »

Enseignant chercheur à l’Institut de géographie alpine de Grenoble, Philippe Bourdeau est du même avis sur l’avenir des petites stations qui tente déjà survire face aux mastodontes des cimes. « À l’horizon 2050 au-delà de 2 000 m d’altitude on pourra continuer à skier. Avec sûrement une variabilité accrue et des saisons raccourcies. Ce qui est remis en cause c’est tout ce qui se situe en dessous. »

 

La neige artificielle ne suffira pas

 

Pour imaginer l’avenir et ces problèmes, la solution la plus simple, auxquels les stations ont recours, reste la neige artificielle. Une issue déjà obsolète pour certaines stations selon Samuel Morin. « La production de la neige de culture dépend de la température. Il y a certaines stations où il fait trop chaud pour produire de la neige artificielle. Pour les stations de moyenne montagne, la neige de culture est donc le moyen le moins efficace pour contourner le manque de neige. C’est une sorte de double peine », s’alarme-t-il. On le sait, cette technologie coûteuse en énergie et en eau ne pourra, de toute façon, se substituer totalement à la neige naturelle.

Philippe Bourdeau préfère imaginer d’autres solutions que celle de skier à tout prix. « Le mieux reste de s’adapter. Les stations de basse altitude commencent à imaginer des reconversions dans le bien-être, le vélo, la randonnée… On peut également imaginer la transformation de ces endroits, anciennement touristiques, en de véritables lieux de vie, des villes habitées toute l’année, ou bien en terres agricoles, industrielles », suggère Bourdeau.

Le spécialiste a d’ailleurs une vision différente sur la crise que s’apprêtent à vivre les stations de sports d’hiver. Ce n’est même pas une question de neige, selon lui : « On constate depuis plusieurs années une usure de la pratique du ski. On risque peut-être d’avoir un oubli de la saison hivernale dans les années à venir. Manquer de clients avant de manquer de neige, ce serait le vrai paradoxe… »

 

Hautes-Alpes tourisme

De la sécurisation à l'innovation

La stratégie « yaka, faukon ! » a manifestement de beaux jours devant elle dans les Hautes-Alpes à en croire cette déclaration du président du conseil départemental. D’ici 10 ans, on devra malheureusement dire « y’aurait fallu kon ! ». Espérons que ce court extrait ne représente pas la stratégie touristique du département pour les 25 prochaines années, car avec elle, on va directement dans le mur (1). Pire même, on voit le mur, et on accélère !

 

 

Il faut rappeler, au préalable, deux points importants. D’abord, les investissements dans l’enneigement artificiel ne remontent pas seulement à 25 ans mais ils ont été importants toutes ces dernières années (et surtout d'ailleurs ces dernières années) dans les stations des Hautes-Alpes, et évidemment dans des équipements modernes. Ensuite, l’incident industriel a concerné toutes les stations quel que soit le niveau d’ancienneté de leurs installations : quand il fait chaud et qu’il n’y a pas de neige, et parfois plus d’eau, il faut se faire une raison et ne pas vouloir changer les règles de la physique. On peut optimiser mais on atteint immanquablement une limite physique.

 

 

Si on comprend bien le président, en investissant dans de nouveaux enneigeurs capables de produire de la neige par températures positives (+1 ou +2°C au maximum), on sécurise l’économie des stations pour les 25 prochaines années. Disons simplement, que l’on optimise la production de neige artificielle mais que l’on ne sécurise rien du tout et certainement pas pour les 25 prochaines années. Le réchauffement climatique atteint tout juste les +1°C avec déjà des impacts considérables. Or, il va en accélérant d’année en année et ses impacts vont en augmentant.

Une stratégie de sécurisation est une stratégie à courte vue : que fait-on ensuite, d’autant plus qu’elle montrera ses limites bien avant 25 ans ? Il est au contraire indispensable d’entièrement redéfinir la stratégie des stations de ski et d’arrêter de ne penser qu’en terme de ski de piste : il faut avoir le courage de dire que « le tout-ski-de-piste, c’est fini », tout le monde en est bien conscient, mais, si des fois on pouvait gagner une ou deux années ce serait toujours cela de pris... Le tourisme hivernal est-il fini pour autant ? Avec seulement une stratégie simpliste de sécurisation, la réponse pourrait bien devenir OUI ! Merci monsieur le président de penser aussi aux générations suivantes…

Cet accident industriel aura des conséquences à plusieurs niveaux :

 

La communication de demain des stations dans une montagne sans neige.

 

Les touristes ont bien perçu la panique qui s’est emparée des responsables de stations avec une perte complète de contrôle de la communication, ainsi sur la demande aux locaux de leur laisser la place et sur les transports de neige par hélicoptères. La réalité s’est brusquement invitée dans la communication jusque là virtuelle, mièvre et convenue, des stations de ski.

Il faut plutôt s’interroger sur l’impact à long terme de cet accident industriel sur la perception des vacanciers. On peut toujours enneiger à outrance, à supposer qu’on puisse le faire, les skieurs peuvent l’accepter en situation exceptionnelle, mais pas si l’accident se reproduit trop souvent. D'autant plus que l'engouement pour le ski de randonnée montre que le ski de piste n'est plus une fin en soi (2). Quant à la « jet set », elle pourrait bien se détourner d’une activité ringardisée et aller voir ailleurs (3). On imagine les stations qui vont devoir communiquer sur leurs pistes artificiellement enneigées au milieu d’une montagne sans neige : on ne va pas les sécuriser bien longtemps même en investissant lourdement dans les remontées mécaniques et dans l’enneigement artificiel. Si c’est ce que l’on veut, on peut faire l’économie de l’enneigement artificiel et passer directement à des pistes synthétiques (4), ce sera beaucoup plus simple et élargira la pratique à l’année !

Les actionnaires et les banquiers vont surveiller de très près les investissements dans une activité aussi vulnérable aux aléas climatiques que le ski de piste. Déjà le préfet rappelait que la station-locomotive du département Serre Chevalier est en déficit. Les dirigeants de la Compagnie des Alpes font immanquablement des comparaisons concernant la profitabilité de leurs différents domaines et investissent en conséquence. Les banquiers vont y regarder à deux fois avant de financer des projets. Le département ferait bien de faire de même d’autant plus qu’avant d’investir il faudra peut-être soutenir les sites les plus vulnérables. Les ressources n’étant pas illimitées, on peut s’attendre à des arbitrages douloureux tant dans les soutiens que dans les investissements…

 

S’il y avait une ou des solutions miracle, cela se saurait : il n’y en a pas et la casse est inéluctable. Tout le monde le sait, mais on continue à faire comme si de rien n’était pour être sûr de rendre la casse encore plus douloureuse. On s’accroche à des analyses économiques surréalistes auxquelles on fait dire par exemple que le chiffre d’affaires des remontées mécaniques provoquerait par effet de levier un chiffre d’affaires total 6,5 plus important. Eh oui, quand un touriste dépense 1 € dans les remontées mécaniques, cela lui ferait dépenser 6,5 € au total. Passons, c’est un ratio, pas un effet de levier. Mais en faire un effet de levier est bien pratique, car cela permet de justifier la poursuite de la fuite en avant. Au passage, on notera que le pseudo-effet de levier serait nettement plus faible concernant l’hébergement où il serait donc moins intéressant d'investir.

 

Rénover des remontées mécaniques est certes nécessaire car la fin du ski n'est pas encore pour demain et la diminution de la longueur de la période propice va être progressive avec des accidents dans un sens ou dans l'autre (5), mais élargir l'offre, y compris en nombre de lits, n'est plus nécessaire face à une demande qui se contracte et à une saison qui rétrécit. L'accent doit plutôt être mis sur la qualité à la fois des équipements et des hébergements. On sécurisera plus par une approche qualitative que par des investissements inconsidérés qui ont déjà abouti à un positionnement low-cost de beaucoup de stations en-dehors des vacances scolaires, ce qui impacte déjà largement l'image globale du département (6).

 

S'il y a un domaine où il faut sécuriser et même plus, c'est celui de l'accessibilité du département et des stations, que ce soit par la route ou par le train. Faut-il rappeler la crise du Chambon, toujours pas résolue, et les menaces récurrentes sur le train jusqu'à Briançon. Les quatre routes d'accès au département par le nord, par les cols Bayard, de Luz-la-Croix-Haute, du Lautaret et de Montgenèvre, sont encore plus obsolètes que les canons à neige d'il y a 25 ans ! Même le tunnel du Fréjus a montré ses limites à absorber un trafic important.

Une stratégie de sécurisation est une stratégie défensive qui, dans le cas présent, ne tient pas compte de l'évolution de la situation. Il faut au contraire changer d’approche et développer très vite en sus une stratégie d’innovation tournée vers l’avenir. Déjà en termes de communication, il ne faut plus parler de stations de ski ou de sports d’hiver (7) [comme je l'ai fait volontairement], mais de stations de loisirs et de remise en forme TOUTES SAISONS où une multitude d’activités sont possibles.

 

Eh bien, monsieur le président, soyez le moteur de l’innovation dans le département et faites-en un laboratoire d’idées et d’expériences. Mais surtout ne restez pas sur la défensive et la sécurisation, passez à l’offensive et à l'innovation (1).

Vallouimages

Vallouise, 6 janvier 2016.

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Notes :

(1) Évidemment, je ne suis pas dupe du jeu des petites phrases qui déforme les propos et monte en épingle seulement un élément d'une déclaration, mais c'est quand même « l'urgence à investir dans des canons à neige adaptés à la douceur » qui a été mise en avant.

 

(2) La folie de la randonnée à ski bouscule les grands domaines, Les Échos, 05 janvier 2016.

Un article qui tombe à pic pour rappeler à ceux qui utilisent encore le logiciel d'il y a 25 ans, fondé sur le développement du ski de piste, à travers les remontées mécaniques et l'enneigement artificiel, que les pratiques et les goûts ont beaucoup évolué depuis 1990. Le ski sur des pistes formatées à outrance, ça ne passionne plus ! On aura noté qu'il s'agit de CSP+. Bizarre que ce ne soit pas une cible pour le département. Ça confirme l'urgence de changer de logiciel et de se projeter dans l'avenir.

 

(2) Quant aux fêtards, ils n’ont pas besoin de neige pour faire la fête !

 

(3) Ce serait déjà bien pratique pour sécuriser les portions les plus sensibles.

 

(4) On se rappellera l'enneigement exceptionnel dans les Pyrénées en 2015 avec des remontées enfouies sous la neige.

 

(5) Il y a en effet clairement deux marchés distincts selon que l'on est ou non en période de vacances scolaires. Hors vacances, l'offre est largement surdimensionnée et les impératifs de remplissage conduisent à une image low cost qui tend à s'imposer.

 

(6) Tout n'est pas tout noir dans la diversification des activités, ainsi l'article mentionne le centre de bien-être de la Joue du Loup. Il y a d'autres exemples et plusieurs socioprofessionnels savent faire preuve d'innovation. Immanquablement d'autres idées murissent en underground.

 

 

 



27/02/2017
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